Rencontre avec Maïssa Bey

Un Livre Une Vie, en partenariat avec la Maison de la Méditerranée et le MRAP, a organisé, dans le cadre des Nuits d’Orient, une rencontre avec Maïssa Bey. C’était le 3 décembre 2019 à la Nef, devant environ 75 personnes.

Maïssa Bey, auteure algérienne d’expression française, vit en Algérie. Elle était interrogée par Dalila Abidi.

Voici quelques extraits de l’entretien :

Mon œuvre est inscrite dans l’histoire de l’Algérie.

J’ai commencé à écrire durant les années noires. Il m’a alors semblé qu’il était impossible de se taire. On voulait au contraire nous condamner au silence.

Nous avons vaincu l’islamisme parce que nous avons continué à vivre notre vie, à faire notre métier, à faire vivre notre pays.

Dans cette période j’ai eu très peur. Mes cauchemars, je les faisais le jour. Chaque matin je commençais mes journées en me demandant ce qui arriverait à mes filles, ce qui m’arriverait. 

Un tournant important est l’arabisation à marche forcée au début des années 70. L’Algérie a eu recours à des enseignants arabes dont le pays d’origine ne voulait plus.

Mon écriture est un engagement contre tous les silences que l’on m’a imposés.

La prise de parole par une femme est toujours considérée comme un acte politique. Parce que, dans notre société, ce n’est pas le rôle de la femme de parler publiquement.

Un principe des sociétés méditerranéennes est la distinction entre le visible et le caché. Quand j’ai raconté un avortement dans un livre, beaucoup ne m’ont pas comprise.

Le voile avait quasiment disparu en Algérie après l’indépendance. Puis sont arrivés les professeurs égyptiens, et il y a eu Khomeiny et l’Afghanistan. Dans les années 80, le voile réapparaît dans les universités. Et il est considéré comme une obligation religieuse. Dans les années 90, le voile est imposé par le GIA et il peut alors protéger. Grâce au voile, de plus en plus de femmes occupent l’espace public, mais en étant aliénées.

En France, les immigrées ont d’abord porté un voile plus léger que celui qu’elles portaient en Algérie. Puis leurs filles ont abandonné le voile. Dans les années 90, beaucoup d’opposants violents en Algérie ont trouvé refuge en France et ont propagé un discours intégriste. Mais le voile s’explique aussi par la réaction à l’exclusion des immigrés.

Un grand merci à Maïssa Bey !!